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Par Louis-Philippe Bourdeau et Camille Carpentier

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En juin 1764, l'ancêtre du Quebec Chronicle-Telegraph (QCT), le Quebec Gazette, est distribué sur le territoire canadien pour la première fois.


Fondé sous le régime britannique, c’est le premier journal à voir le jour en Nouvelle-France. Pendant des décennies, le journal, qui a longtemps eu un tirage quotidien de près de 60 000 exemplaires, a été une publication phare de la région de Québec.


Anglophones et francophones connaissaient bien le Chronicle-Telegraph, qui est devenu un journal hebdomadaire dans le dernier siècle. Près de 250 ans après ses premiers tirages, le journal survit toujours, mais dans un format bien plus modeste qu’auparavant, tirant désormais à 2000 exemplaires tous les mercredis.


La publication est aujourd’hui un média communautaire qui désert la communauté anglophone de la région de Québec, mais reste méconnu des francophones.


Alors qu’au Québec, plusieurs journaux ferment leurs portes et que la population s’inquiète du sort de grands médias comme Radio-Canada et Le Devoir, le Quebec Chronicle-Telegraph maintient le cap, malgré les intempéries.









Dans le cadre de cette étude, nous avons tenté de savoir comment le journal a réussi à survivre assez longtemps pour souffler ses 250 bougies cette année. Selon les artisans que nous avons rencontrés et que nous vous invitons à écouter, la réputation bicentenaire du journal a fortement contribué à sa survie. En tant que l’unique média d’expression anglaise dans la région de la Capitale nationale, son rôle au sein de la communauté anglophone apparait par ailleurs essentiel. Mais le Chronicle-Telegraph ne fait pas exception à la règle : comme chez la plupart des médias, l’état de ses finances est précaire. 


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UN PEU

D'HISTOIRE

L histoire du Quebec Chronicle-Telegraph est intimement liée à celle de la province de Québec. Fondé par des imprimeurs britanniques, sa ligne éditoriale conservatrice le suivait jusqu'à tout récemment.

Étude de cas

The Quebec Chronicle-Telegraph


QUELQUES

REPÈRES

THÉORIQUES

«Les médias écrits communautaires sont caractérisés par des organisations relativement petites, comparativement aux deux autres types de médias, et ils sont marqués historiquement par une forte implication de bénévoles. Par ailleurs, ils requièrent peu d’équipements lourds et coûteux, contrairement aux radios et télévisions communautaires.»



Les médias communautaires au Québec. État de la situation  (79 pages), document issu des travaux du Comité directeur sur les médias communautaires


«Sur le plan du contenu, les médias écrits communautaires diffusent de l'information à caractère résolument local ayant trait à la vie des organismes du milieu, à certains enjeux importants pour la communauté, aux réussites de certains personnages de la localité, etc.»






DEMERS et BEAUCHAMP, Cahiers du journalisme


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La communauté anglophone représente une infime part de la population de Québec. Comme l’indique le graphique ci-dessous, les immigrants allophones sont plus nombreux à résider dans la région que les Québécois d’expression anglaise.


Pour les artisans du Quebec Chronicle-Telegraph, il est important de fournir à la communauté anglophone des nouvelles qui les concernent et qui ne sont pas nécessairement publiées dans les grands journaux francophones comme Le Soleil.

LA COMMUNAUTÉ

ANGLOPHONE

DE QUÉBEC


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Comme pour la majeure partie des journaux communautaires, le Quebec Chronicle-Telegraph doit travailler avec des ressources restreintes. «Mentionnons, enfin, au chapitre du contenu, que la plupart des artisans des journaux communautaires du Québec éprouvent de la difficulté à faire du journalisme au sens où on l'entend habituellement. Cela peut s'expliquer par un manque de ressources humaines, financières et techniques» [Demers et Beauchamp, 1996]. De l’avis de ses artisans, le journal arrive à survivre grâce à ses bénévoles engagés, qui ont à coeur la survie de l’hebdomadaire et à une aide financière substantielle d'Héritage Canada. À preuve, la rédactrice en chef Shirley Nadeau compense le manque de ressources monétaires et humaines en exerçant également les rôles de journaliste, de photographe et de traductrice.

 

 

Commencez



DES FINANCES INSTABLES

«Les sources de financement des médias écrits communautaires sont variées. Il y a certains dons, les cotisations des membres et les revenus tirés des abonnements ou de la vente d'exemplaires. Il y a aussi quelques revenus provenant de la vente d'espaces publicitaires achetés, par exemple, par des marchands locaux ou encore des organismes et associations du milieu. Il y a, enfin, l'aide gouvernementale dont profitent une trentaine de journaux de I'AMECQ grâce au Programme d'aide aux médias écrits communautaires instauré par le ministère de la Culture et des Communications du Québec.


En 1995, les médias écrits communautaires et quelques autres journaux ont obtenu près de 200 000 $, soit un peu plus de 14%, des 2 millions de dollars alloués par les responsables du Programme d'aide.»


Shirley Nadeau a repris les rênes du journal en 2010. Elle rappelle qu'autrefois, le Quebec Chronicle-Telegraph distribuait plus de 60 000 exemplaires quotidiennement, parfois même deux éditions par jour.


Malgré tout, Shirley Nadeau est convaincue que son journal est là pour rester, car celui-ci répond à une demande qui sera probablement toujours présente.

SHIRLEY NADEAU


Rédactrice

en chef

-30-

MICHÈLE THIBEAU

Ex-employée

Ancienne journaliste et assistante-rédactrice pour le Quebec Chronicle-Telegraph, Michèle Thibeau a travaillé pendant près de 10 ans pour le quotidien anglophone. À son avis, la survie du journal réside dans un attachement culturel fort que lui porte la communauté d'expression anglaise de la Capitale-Nationale.  


Elle affirme que le mandat du journal a changé peu avant son arrivée. Si auparavant le Quebec Chronicle-Telegraph portait son attention autant à la scène nationale que locale, son mandat est désormais plus communautaire.

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RUBY PRATKA

Journaliste

Journaliste à la recherche à CBC, Ruby Pratka poursuit son implication au Quebec Chronicle-Telegraph depuis 2012. Le Chronicle lui donne l'occasion d'exercer son métier en anglais, une chance inestimable pour la jeune journaliste qui a déménagé à Québec il y a seulement quelques années. Pour elle, être une des seules journalistes anglophones dans une grande communauté francophone lui assure souvent un accès aux personnalités influentes qui sont de passage dans la région. Elle compare la communauté anglophone à un petit village à l'intérieur d'une grande ville. À ses yeux, la crédibilité qu'a acquise le journal durant toutes ces années est un facteur expliquant sa survie aujourd'hui. 

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L'argent ne pousse pas dans

les arbres...

DEMERS et BEAUCHAMP, Les Cahiers du journalisme, 1996

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CONCLUSION

Il est clair que la survie du QCT s'insère dans une relation culturellement et symboliquement importante avec la communauté anglophone de Québec. Sa démographie, tel que démontré plus tôt, reste stable. Le bassin de clients potentiels reste donc sensiblement le même au fil des années, puisqu'il n'y a plus de journal anglophone concurrent dans la région. Ce public, tel que nous l'avons également analysé, ne se retrouve pas dans les journaux de la région de Québec, comme le Journal de Québec ou encore, Le Soleil. En effet, très peu d'articles concernant les spectacles anglophones ou encore les politiques visant la communauté d'expression anglaise étaient disponibles dans ces deux quotidiens. Le changement de mandat, en 2010, tel que le rapportait Michele Thibeau, qui a réorienté le journal vers un mandat plus local qui laisse place aux citoyens et à leur vie quotidienne, a permis de maintenir une demande dans un milieu médiatique pourtant très compétitif.

 

Comme le démontre le graphique ci-dessous, le Quebec Chronique-Telegraph consacre la presque totalité de ses nouvelles à de l'actualité de proximité. Parmi les articles qui ont été publiés sur le site du QCT entre le 5 et le 19 novembre (soit trois éditions), 67% des nouvelles que nous avons répertoriées traitaient d'événements s'étant déroulés dans le territoire de la ville de Québec. Par ailleurs, 23% de ces articles concernaient la communauté anglophone de la région. Lorsque l'on y additionne les pourcentages de nouvelles dans les catégories société et culture, on obtient un taux de 74% des articles traitant de sujets reliés à la vie en communauté. Seuls 15% des articles publiés durant cette période traitaient directement de sujets politiques. On peut donc en conclure qu'un citoyen qui souhaite être informé des actualités chaudes ne peut uniquement lire le Quebec Chronicle-Telegraph. Par contre, il ne fait aucun doute que le journal remplit un mandat très local et conserve un angle propre à la communauté anglophone qu'il dessert. 

Le public très restreint du Quebec Chronicle-Telegraph joue cependant contre lui lorsque vient le temps de trouver des annonceurs.  Le journal vit effectivement des années de vache maigre depuis un long moment, et on peut imaginer qu'il serait difficile de le garder à flot sans l'aide financière d'institutions comme Héritage Canada. Décrocher des contrats de publicité est un combat quotidien pour l'équipe de direction. Toutefois, il nous a été impossible d'obtenir davantage de détails sur la situation financière actuelle du journal, puisque la direction a refusé de répondre à nos questions à ce sujet. Nous n'avons pas non plus été en mesure de consulter les documents institutionnels, ni les archives complètes du journal puisque l'accès nous a également été refusé.

 

Le Quebec Chronicle-Telegraph a donc survécu à l'épreuve du temps, mais combien de temps pourra-t-il encore être imprimé? Ses artisans actuels continuent de croire fermement à la pertinence de son existence. En tant qu'ancienne employée, Michele Thibeau croit que le journal devra faire des choix dans les années à venir. Elle doute qu'il puisse continuer à être publié encore longtemps. 

 



Le Quebec Chronicle-Telegraph a été publié sur une base parfois quotidienne, parfois hebdomadaire, depuis maintenant 250 ans. Le journal a été un témoin privilégié de l'histoire du Québec et du Canada. Voici quelques exemples de Unes imprimées entre 1898 et 1924, alors que la publication parait encore sous le nom du Quebec Chronicle.


Pour consulter tous les articles parus pendant cette période, consultez le site de la Bibliothèque et des archives nationales du Québec: http://bit.ly/1yxyWey

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CONTINUEZ

Afin de bien cerner les enjeux de cette étude, il nous faut tout d'abord définir certains repères théoriques. La nécessité de mettre en lumière la situation des journaux communautaires au Québec nous semble primordiale. Cela nous permettra de comparer ces caractéristiques à celles du Quebec Chronicle-Telegraph et d'en tirer des conclusions.

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Source : Institut de la statistique du Québec

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